Gilles Marchand

À voir et à penser !

Visite fort instructive de l’Exposition universelle de Milan, avant l’extinction des feux à la fin octobre. Avec d’abord un constat réjouissant: il y a un monde fou, bon enfant, intéressé et multiculturel.

À l’heure de la vie en réseau virtuel, ils sont très nombreux à avoir encore envie de partager un moment de découvertes. Certes avec du wi-fi et des prises pour recharger, mais ensemble au même endroit tout de même. Et tout cela malgré de solides queues que l’on a plus l’habitude de voir devant des stades avec des populations moins paisibles.

Un fil conducteur pour une multiplicité de propositions

Alors bon pied bon œil, voilà nos visiteurs à l’assaut des dizaines de pavillons. A l’assaut aussi d’un thème général, en principe commun à tous les pays exposants: «Nourrir la planète». Dans un joyeux mélange on retrouve dans le désordre, l’invention des Art de la table (au pavillon français bien sûr…), le problème de la pollinisation, de la conservation, ou encore celui de l’accès aux ressources naturelles.

On goûte ainsi au lait de jument fermenté chez les Kazakhs, sous le portrait imposant du président à vie Nazarbaïev, on écoute les abeilles babiller chez les Anglais, on rebondit sur une sorte de canopée brésilienne en corde tressée, on se fait vaporiser dans une forêt autrichienne, qui supporte assez mal la chaleur tropicale de la plaine lombarde, on reste fasciné par le design technologique des Coréens qui donne envie de croquer dans les écrans HD, on est scotché par le son et lumière des Emirats arabes unis qui transforment en or le sable. Ainsi va la vie du monde, du côté de Milan.

Et la Suisse dans tout cela?

Elle est là, à la fois bien placée et tout en retenue. Il y a bien cette petite odeur de fromage qui flotte obstinément dans l’air et quelques crus qui rappellent où nous sommes. Mais en Suisse, point de triomphalisme chauvin, aucun affichage arrogant, aucune «trompette de la renommée». En Suisse on réfléchit.

C’est peut-être dans le pavillon helvétique que l’on aborde le plus sérieusement le thème de l’Expo. Avec une série d’interpellations didactiques, sur le thème de la consommation et du partage des ressources. Le parcours est bien fait, les guides sympathiques et compétents, les sponsors discrets, l’architecture efficace, ni plus ni moins.

Sur le plan scénographique, l’exposition de Nestlé n’a rien à envier à ce qui se fait de mieux ailleurs. Quant aux trois villes partenaires, Bâle, Zurich et Genève, elles se présentent aux visiteurs dans une abstraction conceptuelle dont la Suisse a le secret, et qui semble indiquer que seuls les doctorants en philosophie, neurosciences ou physique quantique sont autorisés à les visiter. Au pavillon suisse, le visiteur est invité à penser, là ou ailleurs il est ébloui et hameçonné sans trop d’états d’âme.

Faut-il voir dans tout cela une sorte de métaphore du pays, un trait grossissant de la manière dont nous pensons jouer notre partition sur la scène mondiale? Ou plutôt une sorte de laboratoire médiatique géant, un programme TV XL dans lequel se brassent des appels participatifs, de la détente relaxe et quelques nourritures intellectuelles? Il y a, dans cette Expo universelle thématique, à voir et à penser. Une chose est sûre, à Milan, la Suisse a choisi son camp!

Article publié dans le Matin Dimanche du 27 septembre 2015.

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