Gilles Marchand

C’était mieux avant???

Tout a été dit et écrit – ou presque – sur l’exposition nationale de 64, emblématique d’un moment charnière de l’histoire contemporaine suisse. Une Suisse confiante en l’avenir, séduite par le modernisme triomphant, par le progrès et la croissance et, finalement, comme le résume très bien Bernard Crettaz, « heureuse avec un début de mauvaise conscience diffuse… ». Inutile donc de revenir ici sur Gulliver et cette drôle de censure, ni sur les films d’Henry Brandt, sur l’œuvre de Tinguely ou le Mésoscaphe.

2014. Expo 64

Le Mésoscaphe Auguste Piccard lors de l’Expo 64

Les expos nationales ont ceci de particulier dans notre pays, qu’elles composent un incroyable – et souvent polémique – concentré d’interrogations sur l’identité suisse et sa diversité. Et ce questionnement récurrent revient avec la régularité d’une pendule neuchâteloise, tous les 25 ans.

Ma génération a ainsi vécu Expo 02, tout à fait emblématique des questions soulevées par le tournant du siècle, dans une société numérique de plus en plus connectée, qui oscille entre les racines et les réseaux. Mais deux aspects semblent tout à fait d’actualité. Il y a d’abord ce débat sur l’identité et la diversité. Il a été soulevé en 64 comme 2002.

 

Exprimer ce qui rassemble en s’appuyant sur ce qui est spécifique

Mais c’est aussi le débat qui traverse constamment l’audiovisuel public en Suisse : une radio et une télévision publique, qui diffusent en 4 langues, qui travaillent ensemble à exprimer ce qui rassemble tout en s’appuyant, pour ce faire, sur ce qui est spécifique. Subtil paradoxe, apparu massivement à la télévision à peu près en même temps que se concevait l’Expo  64.

La première émission de la Télévision genevoise, devenue Télévision suisse romande puis carrément Télévision Suisse, date de 1954.

Il faut d’ailleurs relever que l’apparition de la télévision a d’emblée alimenté de fortes tensions cantonales entre Lausanne et Genève qui, toutes deux, revendiquaient le siège du futur centre romand de télévision. C’est finalement le Conseil fédéral qui a tranché en 1959, attribuant la télévision à Genève et la radio à Lausanne.

60 ans après, le sujet reste très sensible ; nous avons pu le vérifier lors de la création de la RTS en 2010… Finalement, la meilleure réponse à ces sensibilités cantonales est de produire de la télévision et de la radio partout, sans distinction de site.

Et la boucle sera bouclée en 2020, lorsque la RTS inaugurera à quelques encablures du site d’Expo 64, entre l’EPFL et l’Université de Lausanne, son nouveau centre radio, télévision et multimédia.

Force est donc de constater une histoire commune entre la radio et la télévision romande d’une part, et Expo 64 de l’autre. A tel point d’ailleurs que de nombreux responsables de l’Expo se sont retrouvés ensuite à la tête de la RTSR.

A commencer par Jean-Jacques Demartines, l’un des principaux chefs de l’Expo, qui entre à la télévision en 1965 et qui terminera sa carrière en tant que directeur de la RTSR en 1985. Ainsi, célébrer l’anniversaire de l’Expo 64, c’est aussi fêter les 60 ans de la télévision suisse.

L’autre thème d’actualité est celui de la mémoire.

 

Un pays sans mémoire audiovisuelle a un vrai problème d’identité

Nous avons un devoir de mémoire. Je crois qu’un pays qui n’arrive pas à entretenir sa mémoire audiovisuelle a un vrai problème d’identité.

C’est  pour cela que la RTS a créé, en 2005, la Fondation pour la sauvegarde des archives de télévision, puis aujourd’hui de la radio. En 9 ans, cette fondation, la Fonsart, a levé près de 20 millions de francs pour restaurer, puis documenter et numériser la plupart des fonds audiovisuels TV. Près de 5’000 heures de films ont été sauvées et 70’000 de programmes TV ont été numérisées. Une opération semblable est lancée pour sauver les fonds sonores. Grâce à la Fonsart, la Suisse romande a ainsi sauvé sa mémoire audiovisuelle.

C’est un travail gigantesque qui ne sera jamais vraiment terminé.

Cela dit, le travail de sauvegarde n’a de sens que s’il est exposé. Les archives forment une matière vivante qui ne doit pas dormir, stockée hier sur des tablards plus ou moins climatisés, et aujourd’hui dans des serveurs plus ou moins sécurisés. Au contraire, les archives sont faites pour être montrées, exposées au public à qui, d’ailleurs, elles appartiennent.

L’utilisation des archives dans des programmes de radio et de télévision est passionnante. Mais il n’y a là aucun culte nostalgique, aucune tentative de repli. Raison pour laquelle la nouvelle émission de la RTS accole à son titre « C’était mieux avant » un symbole essentiel, un symbole qui résume parfaitement le sens de notre activité journalistique et programmatique. Le point d’interrogation !

 

 

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