Gilles Marchand

Convergence des médias RTS

Interview de Gilles Marchand sur l’état de la convergence des médias RTS. Impact, magazine media de publisuisse, octobre 2010.

Depuis cette année l’audiovisuel public en Suisse Romande est regroupé dans une seule entreprise. Mais «intermédia» ou «convergence des médias» comprends beaucoup plus que la fusion d’entreprises. Quel est l’état actuel du projet «convergence», qu’est-ce que vous avez déja atteint?

Il y a en effet deux grandes dimensions au projet de convergence des médias. La première concerne la fusion des entreprises de radio et de télévision dans le but d’en développer l’efficience. Ce processus est quasiment terminé en Suisse romande. La RTS est créée et opérationnelle depuis le 1er janvier 2010. Elle compte près de 1600 FTE et dispose d’un budget de 380 Millions environ. Nous voulons économiser près de 10% de frais de structure et de support.

La deuxième dimension concerne la coopération progressive des programmes de radio, télévision et web. Pour cela, nous allons créer des rédactions thématiques qui seront chargées de concevoir et produire des émissions sur les 3 vecteurs audiovisuels. Le but de cette coopération est de gagner en impact dans le marché, grâce à la cross promotion, et de gagner en qualité grâce à la collaboration entre les équipes de production.

Quels sont les défis pour l’avenir? (structures, modes de travail, attitudes et image de soi des collaborateurs/-trices, mais surtout aussi les nouvelles technologies et formats qui n’arrêtent pas de nous étonner, comme p.ex. le iPhone, iPad…)

Le principal défi est de préparer nos chaînes de radio et de télévision à un bouleversement complet des modes de consommation des médias. L’offre concurrente augmente de manière exponentielle, surtout en télévision avec le développement des chaînes thématiques. Les nouveaux outils comme le Ipad et surtout les performances de la téléphonie mobile impliquent de nouvelles relations entre le public et les médias. La relation passe d’une logique verticale de chaînes à une logique horizontale de contenus thématiques, consommés à la carte. Il est essentiel de préparer l’audiovisuel public à cette révolution, afin qu’il reste aussi performant qu’aujourd’hui dans son marché national. Nous agissons donc dans 3 directions. D’abord au niveau des contenus diffusés, pour lesquels nous essayons de maintenir une vraie valeur ajoutée journalistique. Ensuite au niveau de la production des ces contenus, que nous réorganisons donc dans une logique de convergence radio / télévision / web. Enfin au niveau de leur distribution, complètement numérique, et qui offre des accès gratuits à la carte, sur nos plate-formes interactives, de tous les contenus dont nous maîtrisons les droits.

Une telle «révolution» du monde du travail dans les médias suscite certainement des peurs et des résistances du côté des collaborateurs/-trices… Comment gérez-vous ce processus, comment motivez-vous votre équipe?

Il y a en effet de nombreuses résistances et inquiétudes car ce processus de changement remet en cause beaucoup de certitudes professionnelles, parfois très anciennes. Nous essayons donc inlassablement d’expliquer la situation, de faire partager le constat, de faire accepter l’idée que l’on ne peut pas rester à la gare lorsque le train part. Puis nous proposons un projet d’entreprise. Je crois que les collaborateurs ont besoin de connaître précisément le projet et le modèle. Même si c’est pour le combattre. Rien n’est pire que le flou et l’incertitude dans nos métiers.

Quelle-est votre motivation personnelle dans le projet convergence ? Ou autrement dit: Quel est l’enjeu de l’opération pour l’entreprise que vous dirigez et finalement pour la population (les consommateurs/-trices) ?

D’abord la conviction personnelle que la révolution des médias que nous sommes en train de vivre est profonde, puissante, irréversible. Ensuite la volonté d’inscrire l’audiovisuel public dans cette révolution numérique parce que je crois que les valeurs défendues par le service public sont importantes pour la société, pour sa construction identitaire, pour sa cohésion. Je suis certain que le service public a tout pour être innovant, audacieux. C’est comme cela qu’il remplit au mieux son mandat public.

Les réalités du quotidien des gens (travail, loisirs, techniques à disposition) sont la raison pour laquelle les médias sont obligés de créer des nouvelles offres… convergentes, intermédiales. Mais est-ce que les médias convergents offrent d’avantage qu’un nombre toujours croissant d’informations prêtes à être consommées à n’importe quel moment et à n’importe quel endroit ? Est-ce qu’il y aura un plus qualitatif ? Est-ce que les médias convergents pourront même influencer la réalité du quotidien des gens ?

Oui, il doit y avoir une valeur ajoutée qualitative. Mais nous distinguons trois cas de figure :

  • il y a d’abord des programmes de radio et de télévision qui vont co-exister, dans leurs formes spécifiques. Dans ce cas, les collaborations se situeront en amont du processus de production et permettront de libérer des moyens que nous pourrons réinvestir dans les contenus.
  • Il y ensuite des émissions de radio et télévision qui vont travailler ensemble sur un même sujet, sur un même thème, pour confronter les idées et les traitements. Cette collaboration s’exprimera ensuite dans des émissions de radio et de télévision distinctes.
  • Il y a enfin un troisième cas de figure, ce sont des émissions tri-médias (radio, tv et web) que nous allons créer et qui proposeront simultanément de suivre le même sujet sur les différents médias, avec une valeur ajoutée spécifique selon le vecteur.

Mais pour répondre de manière plus globale à votre question, permettez-moi de citer Octavio Paz, Prix Nobel de littérature : « toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations ». Et bien nous allons essayer de cultiver la rencontre entre les productions de radio, de tv et de web pour en améliorer la qualité et la richesse !

Avec l’émission «Zambo» Radio, Télé et Online de la SRG lanceront prochainement un programme pour enfants 100% convergent. Ou en est RTS ? Pouvez-vous citer des exemples d’émissions convergentes qui existent déjà et surtout d’émissions qui seront réalisées prochainement (ou plus tard) ?

Il y a déjà différents rendez-vous en suisse romande. Je citerai « Histoire vivante » un documentaire tv hebdomadaire, une émission de radio quotidienne, et site web et même un développement dans la presse écrite. Toute notre production d’information sur le web est déjà convergée radio/tv. Et nous avons des rendez-vous événementiels comme la journée thématique tri-média que nous avons consacré à l’innovation en Suisse romande ou encore le festival label Suisse en septembre. Suivront des projets de nouvelles émissions régulières dont je dois garder la primeur à nos équipes.

Ou en est – sur un niveau plus général – la RTS avec le projet convergence, comparé avec la Suisse alémanique et la Suisse italienne ?

La Suisse italienne (et les Grisons) sont déjà opérationnels, car ces deux entreprises étaient déjà réunies avant le début de la convergence. La Suisse italienne développe en ce moment des coopérations étroites dans le domaine de l’information. La Suisse romande est donc opérationnelle du point de vue de l’entreprise. La coopération programmatique se développera ses 3 prochaines années. Quand à la Suisse alémanique, elle commence le processus concret en janvier prochain.

Autre sujet qui intéresse évidemment beaucoup les lecteurs/lectrices de «Impact»: Les annonceurs. Qu’est-ce qui changera pour eux avec un audiovisuel public convergent ?
Est-ce qu’à votre avis la convergence est pour eux une chance pour transmettre mieux leur messages ? Est-que les programmes de RTS offrent des formats convergents pour les annonceurs aujourd’hui (puisque pour l’instant la publicité n’est possible qu’à la tv, mais pas à la Radio – sauf le sponsoring – et sur Internet) ? Et à l’avenir ? Le Conseil Fédéral ne s’oppose pas à la publicité online par principe, mais des conditions acceptables pour les éditeurs des journaux ne seront pas facile à trouver… Quelles solutions voyez-vous ?

Nous sommes bien entendu soumis à la loi, qui est assez restrictive pour le service public. Mais nous allons développer des nouveaux package crossmédias (radio / tv) dans le domaine du sponsoring, qui devraient être intéressants pour les annonceurs. D’autre part, si la cross promotion nous aide à maintenir, voir développer nos positions dans le marché, les annonceurs en bénéficieront. Quant au web, je ne désespère pas de trouver une solution avec les éditeurs. Nous avons d’ailleurs de bonnes relations avec eux, en Suisse romande en tous cas. Mais il faut que les éditeurs comprennent qu’ils font fausse route en pensant que leur succès futur dépend de nos limitations. Nous avons tout intérêt à travailler ensemble, dans l’intérêt objectif du marché suisse.

Voyez-vous d’autres formats qui pourraient être intéressants pour RTS et les annonceurs à l’avenir? Il paraît qu’il existe un projet avec des informations (fournis par RTS) pour les utilisateurs des Transports publics («Fahrgastinformation») – pouvez-vous en dire plus (partenaires, contenu, technologie) ?

Nous avons de nombreux projets depuis longtemps. A la TSR, nous avons par exemple lancé, il y a plusieurs années, un réseau d’écrans dans les points de ventes de naville. Car nous avons une offre d’information en continu que nous pouvons proposer à tous moments, sur tout type d’écran. Il y a bien sûr les bus, les taxis, les avions etc… qui pourraient s’y intéresser !

Et que pensez-vous de la tv sur internet (p.ex. Zattoo)? Elle crée des nouvelles offres pour les annonceurs, mais l’audiovisuel public en suisse n’en profite pas financièrement pour l’instant…

Oui et c’est un vrai problème car ce sont bien entendu nos programmes, surtout l’info et le sport, que le public cherche sur le web. Et Zattoo, pour prendre cet exemple, utilise nos programmes pour y vendre sa publicité, sans que nous ne puissions rien dire du tout. Je trouve cela franchement problématique.

Compléments multimédia

Vidéo

Grâce à la convergence, davantage de programmes seront proposés et mis en évidence. Il y a une culture commune entre tv et radio malgré les différences et la convergence facilite le travail commun. Grand Angle: entretien avec avec Gilles Marchand, 29.11.2009;

Audio

Jean-Jacques Roth nommé chef de l'actualité de la RTS. La Première - Forum, 21.12.2009

Réactions suite à la confirmation de la fusion entre la TSR et la RSR. La Première - Forum, 25.11.2009

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