Gilles Marchand

L’incarnation et le récit

Au commencement est le savoir, bien sûr. Depuis toujours, dans tous les domaines. Le savoir, c’est le préalable du pouvoir. Juste après se situe le savoir-faire. Puis, arrive le « faire-savoir », qui prend de plus en plus de place dans notre société numérique hyper connectée, car il ne sert à rien de cultiver tout seul, dans son jardin clôturé, les plus belles idées et les meilleures intentions si on ne peut les partager. La circulation des idées, leur rebond, c’est finalement leur meilleure source de vitalité. Et cette circulation passe par la communication.

Or, l’art de la communication n’est pas donné à tout le monde. Nous ne sommes pas tous égaux devant la transmission. Certains ont cela dans le sang, c’est vrai. Mais dire les choses, les expliquer, est une chose. Le faire au bon moment, dans la bonne séquence, avec le bon rythme, en est une autre. Cela ne s’improvise pas, surtout dans une société numérique qui converse en permanence, à propos de tout et n’importe quoi, tout le temps, partout.

Les nouveaux outils interactifs offrent un potentiel de communication quasi infini, avec, en plus, une trace, une mémoire digitale presque indélébile, qui ne pardonne aucune erreur passagère, aucune absence malencontreuse. D’une certaine manière, les choses étaient plus simples auparavant. Il y avait un émetteur, qui s’adressait de manière unilatérale et linéaire à un récepteur. La communication était parfois massive, adressée à de multiples récepteurs en même temps. Cela a été le cas, bien sûr, avec le développement de la télévision dans les années 50. D’autres fois, les messages étaient transmis à de plus petites audiences, attentives, quasi captives. Certaines conférences ex cathedra et de grands discours sont restés célèbres et ont marqué la vie politique ou culturelle: massive ou plus ciblée, la communication était alors linéaire, verticale, avec un début et une fin précise.

Aujourd’hui, changement radical de contexte et d’ambiance. Avec le développement de l’interactivité, du participatif, la communication devient multidirectionnelle, hachée, plurielle. Elle est aussi beaucoup plus transversale, circulaire. C’est un flux enveloppant. Dans ce brouhaha permanent, nourrit par un écho qui amplifie encore les échanges, il est plus difficile d’identifier l’émetteur, la source. Et c’est là que pèsent de tout leur poids la technique de communication, la maîtrise du rythme, de la forme du message. Les entreprises, les institutions et les partis politiques ont bien compris cela, développant des stratégies de communication très élaborées, qui alternent médias de masse et réseaux sociaux, pubs et relations publiques, sponsoring et évènementiel. Il en va de même au niveau personnel. Les chefs d’entreprise, les responsables politique, les artistes, les sportifs, tous doivent proposer une communication performante, réfléchie, cohérente.

Deux valeurs traversent cette société de la conversation ininterrompue. Il y a d’abord l’incarnation. Pour être repérée, entendue, une communication doit être incarnée, assumée. Un visage, une personnalité, une attitude doivent porter le message. Cela vaut d’ailleurs pour les entreprises comme pour les individus. Il y a ensuite le récit, la narration, le scénario. La communication se construit patiemment. Elle avance, tantôt masquée, tantôt conquérante, dans les sinuosités de la perception publique.

Alors que l’on se promène avec un vieux rétroprojecteur et quelques transparents gondolés ou que l’on dispose des techniques de projection les plus sophistiquées, soutenues par les meilleurs designers, l’incarnation et le récit restent les deux piliers de la diffusion des messages. Ils sont aussi à la base de tous les échanges humains.

 

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Crédit/Copyright : RTS / Jay Louvion

 

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