Gilles Marchand

Médias et politique

Conférence donnée lors d’un débat public à la TSR avec Roger DeWeck, François Lonchamps et Jacques-Simon Eggly, janvier 2007.

Quelques constats factuels pour commencer

La couverture de l’actualité politique est une partie importante du mandat de service public

  • suivi news (factuel / impartialité)
  • couverture cantonale / nationale
  • explications sur les enjeux politiques pour que les téléspectateurs se fassent leur propre opinion (avant votation)

(loi sur la radio et la télévision LRTV, concession)

Divers rythmes pour la couverture politique à la tv. La légitimité vient de ce large spectre.

  • immédiat (web / mobile)
  • quotidien (journaux d’actualité 12h45, 19h00, 19h30, nuit)
  • hebdomadaire (magazines de reportages, débats)
  • ponctuel (émissions ad hoc telles que Spécial votations, Classe politique etc.)

Diverses approches journalistiques, propres à l’audiovisuel et différentes de la presse écrite

Quelques questions ouvertes pour continuer

  • les médias, la télé ne s’intéressent-ils pas assez à la politique (pas assez porteuse sur le plan de l’audimat) ?
    Faux. La part consacrée aux contenus politiques, aux enjeux politiques de toute sorte est importante.
  • les médias, la télé, sont-ils partiaux (orientation politique) ?
    Non. Il y a un soucis d’équilibre à l’antenne, la présence et le respect de nos chartes.
    Possibilités de recours (médiation, AIEP etc.).
    Depuis 1992, 168 cas TV soumis au médiateur, 25 émissions soumises à l’examen de l’AIEP et 5 condamnations de la TSR.
    Diverses sensibilités politiques, diverses origines cantonales chez les journalistes de la TSR.
  • les médias, la télé, biaisent-ils le débat à cause de l’audimat (forme de confrontation imposée, mise en scène)?
    C’est la vraie question.

Le souci d’intéresser le plus large public aux questions politiques est réel et honorable. Il ne se résume pas une question d’audimat.
Le but du service public doit aussi être d’amener les contenus exigeants auprès du plus grand nombre. Cela passe par des distributions multiples, et par une accessibilité du contenu, dont une certaine mise en scène. La mise en scène ne doit pas dénaturer le propos.

Le biais éventuel consécutif à la mise en forme télévisuelle est aussi limité par la variété des rendez-vous, des formats politiques et des programmations.

La télévision exprime l’évolution du débat politique. En suisse, il devient spectaculaire (voir par exemple mise en scène des annonces des conseillers fédéraux, voir les petites phrases et utilisation des journaux du dimanche pour faire l’agenda etc.) et très incarné. C’est nouveau.
Les personnalités politiques marquent plus le débat qu’auparavant. Le débat politique devient moins institutionnel.
Les médias ont certes besoin des personnalités, mais les partis aussi cherchent ou fabriquent à dessin des personnalités, pour exister dans l’espace médiatique et politique.

En Suisse toujours, le débat politique se polarise, avec des relations plus conflictuelles (PS / UDC).
Des émissions comme Infrarouge ou Arena sont emblématiques, dans leur forme, de cette évolution.
Et le public suit. Infrarouge touche aujourd’hui environ 20% de part de marché et de nombreux romands (rating moyen 06 : 70’000 personnes, pénétration moyenne hebdomadaire : 217’000 pers.).
Ces personnes sont plus jeunes et plus « renouvelées à chaque émission » que celles qui suivaient Droit de Cité.

Autre question, les émissions sont moins institutionnelles et moins « monothématiques ». Elles traitent de la politique dans la mesure de son impact social, économique, voir culturel.
Cela donne parfois aux responsables politiques un sentiment de dispersion thématique. Mais c’est pourtant comme cela que les messages politiques sont aujourd’hui diffusés (voir le principe de congé paternité introduit par Doris Leuthard au sein de son département ou le débat socioéconomique sur l’âge de la retraite).

Est-ce que les partis qui polarisent moins, comme les partis du centre, souffrent de cette évolution ? Oui s’ils n’adaptent pas leurs discours à la société, non s’ils en tiennent compte.
Et ils sont présents dans les émissions comme les autres (Exemple : Pierre Maudet, Claude Ruey, John Dupraz)

La télé est un miroir de la société et donc de la pratique politique

La télé, les médias, pèsent sans doute sur la forme, le rythme du discours politique. Mais cela se fait dans le but d’intéresser largement le public. Ce qui sur le fond n’est pas illégitime, au contraire.

Enfin, il est nettement préférable que les questions politiques soient traitées dans des émissions politiques, dans des émissions qui suivent les thèmes politiques, avec des journalistes qui connaissent les sujets, plutôt que dans des talk show qui n’ont plus rien à voir avec la politique.
En France, les politiques désertent les émissions politiques pour aller dans des talk show de divertissement comme ceux de Drucker, Fogiel ou Ardisson.

Pour la qualité générale des débats, il faut donc se féliciter que Mise au point, Infrarouge, Classe politique et nos différents journaux suivent le débat politique, dans une forme qui interpelle et attire de nombreux téléspectateurs romands.

Gilles Marchand

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