Gilles Marchand

La TSR et la fiction

Discours d’ouverture du séminaire francophone sur la fiction, 2008

Ce genre de rencontre entre professionnels de la télévision, producteurs indépendants, auteurs, réalisateurs me semble très utile, enrichissante. Cela permet de faire le point, de partager des constats mais aussi, pourquoi pas, d’exposer des différences de point de vue, d’argumenter, de débattre.

Et puis un tel séminaire nous permet aussi de dégager l’horizon, de nous confronter avec d’autres réalités. En ce sens, je salue très chaleureusement nos amis du Québec et les remercie d’avoir traversé l’atlantique pour évoquer avec nous quelque unes des recettes qui font leur succès.

Cette ouverture, cette aération francophone est essentielle. Car autant nous devons veiller à l’ancrage de nos programmes, à leur proximité avec les intérêts de nos publics, autant nous devons éviter l’isolement, le repli, synonyme d’étouffement.
Les idées, particulièrement en matière de fiction, doivent circuler, doivent voyager.

C’est pourquoi, vous le savez, je me bats – et c’est difficile en ce moment – pour la dimension multilatérale de TV5 Monde, ce magnifique outil francophone, deuxième réseau de télévision au monde, largement devant CNN.
C’est pourquoi aussi la TSR s’implique dans la CTF, le CIRTEF et participe à de nombreuses co-productions francophones.

Ces co-productions sont d’ailleurs appelées à se développer, avec l’explosion numérique du paysage audiovisuel.
Nous pouvons imaginer des partenariats avec de nouvelles chaînes, issues par exemple de la TNT, avec de nouveaux diffuseurs actifs sur de nouvelles distributions (je pense notamment en suisse à Swisscom et bluewin TV).

Et puis l’ouverture francophone permet de toucher, grâce à la fiction, un nombre infini de thèmes, de contextes, d’histoires. Il y a là un terreau fantastique. Je crois donc vraiment que la fiction est un ingrédient indispensable pour toute télévision généraliste digne de ce nom.

Pour la TSR, la fiction, sous toutes ses formes, occupe une place clé dans sa politique de programmation. Un double rôle en fait.

Il y a d’abord une contribution énorme de la fiction sur le volume de diffusion.
Permettez-moi quelques chiffres significatifs :

Nous avons diffusé au total, en 2007 sur nos deux chaînes, plus de 4500 heures de fictions, tous genres confondus. Cela représente plus de 87h hebdomadaires.
Sur ce volume annuel, les films de cinéma représentent 840h, les téléfilms 346h, les séries 3360 h et nous avons même une vingtaine d’heure pour les courts métrages.
Autre indication intéressante, les fictions suisses et françaises représentent à elles-seules pas loin de 1000 h diffusées par année.

En clair, sans la contribution massive de la fiction, une chaîne généraliste comme la TSR ne pourrait tout simplement pas exister car notre capacité de production propre est limitée par nos contraintes budgétaires à environ 30% de ce que nous diffusons ou rediffusons.

Mais la fiction joue un autre rôle pour nous, peut-être plus important encore.

Car la fiction que nous produisons ou co-produisons incarne tout un pan de notre mandat de service public : celui de la contribution identitaire. Nos fictions, nos séries, parlent de nos réalités culturelles, politiques, économiques, sociologiques. Elles apportent un éclairage très intéressant sur notre environnement humain, géographique, sur les villes, les montagnes de notre région. Un éclairage aussi légitime et utile que celui de nos émissions d’information, que nos reportages ou nos documentaires.
C’est pour cela d’ailleurs que nous avons fait – et que nous continuons à faire ! – tant d’effort pour sauver nos archives, notre mémoire commune. Dans cette mémoire, les films en tant que supports et en tant qu’œuvres, occupent une place importante.

En 2007, nous avons ainsi co-produits 2 téléfilms avec le Pacte audiovisuel, 5 séries de différents formats pour un total de 68 épisodes, 5 longs-métrages et 10 courts métrages.
Cette année, nous prévoyons de co-produire 2 nouveaux téléfilms, 4 séries 5 longs-métrages et 10 courts-métrages.
Et comme vous le savez, nous aimerions augmenter de manière significative le nombre de nos séries en 2009, tout en maintenant 4 longs-métrages.

Cette politique de production a une histoire

Les séries suisses romandes ont connu leur heure de gloire dans les années 70, grâce à TELVETIA, une filiale suisse du groupe TELFRANCE, fondé par J. Canello.
TELVETIA a ainsi produit de nombreuses séries pour l’ORTF, la RTBF et la TSR. Entre 1968 et 1985 pas moins de 600 épisodes ont ainsi vu le jour, de nombreux techniciens et réalisateurs romands ont travaillé sur ces séries avant de rejoindre la TSR.
Une des séries les plus emblématiques produite par TELVETIA, c’est bien sûr HEIDI, avec 26 épisodes de 26 minutes et 1977.
Il y a d’ailleurs quelque chose d’étrange, le sentiment d’un éternel recommencement à vous parler d’HEIDI alors que nous sommes en ce moment même en train de diffuser une nouvelle HEIDI qui n’a plus grand chose à voir – en terme de look en tous cas – avec sa lointaine cousine de 77.

Et puis dans les années 60 et 70, la TSR produisait des dramatiques en studio, sous la houlette de Maurice Huelin.
Arrivent les années 80 et Raymond Vouillamoz qui lance la politique de co-production de téléfilms avec la France. C’est Navaro, Julie Lescaut, Docteur Sylvestre, l’instit’ qui peuplent nos écrans grâce à un astucieux système d’échange entre droits de diffusion et production exécutive.

A partir de 1997, la SSR signe le Pacte audiovisuel et se sont les producteurs indépendants suisses qui deviennent les co-producteurs des téléfilms français. Des projets se développent en Suisse romande, intéressent les chaînes françaises et permettent à de nombreux réalisateurs romands, grâce au Pacte, de réaliser des téléfilms. Une bonne vingtaine en 10 ans.

Durant cette dernière décennie, la TSR a développé la production de séries. D’abord les sitcom Comme BIGOUDI, LA PETITE FAMILLE, LES PIQUES MEURONS ; PAUL ET VIRGINIE, LA CHRONIQUE puis les formats de 26 minutes dont le premier du genre fut MARILOU.

Il faut dire que ce développement correspond aussi à une réflexion stratégique

Si l’on considère que la fiction joue un rôle identitaire plus important que le téléfilm français, nous avons intérêt à installer des lignes de programmation, des rendez-vous. Et dans la mesure du possible de les exposer à des heures de grande audience. Et là, la série prend toute sa mesure.

Vous le voyez, la fiction, la série appartiennent au patrimoine historique, quasi génétique de la TSR. Bien sûr elles évoluent, dans le fond, dans la forme, dans la programmation. Tout comme la TSR elle-même d’ailleurs.
J’en veux pour preuve une expérience très originale que nous avons lancée il y a quelques mois. Il s’agit d’une plate-forme participative, qui s’appelle « moncinéma.ch », qui accueille des courts et très courts métrages envoyés par nos téléspectateurs, des écoles et quelques professionnels. Il y a actuellement plus de 700 films déposés sur la plate-forme. Un Jury les examine, les sélectionne et la TSR achète certains d’entre eux pour les diffuser.
Il y a dans ce bouillonnement créatif quelque chose de jubilatoire. Allez vous promener sur ce site, vous y trouverez peut-être les réalisateurs de nos futures fictions.

Gilles Marchand

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