Big data, gros effets
C’est le mariage du siècle et il est consommé. Il célèbre et réunit les sciences cognitives et la technologie. Lorsque la psychologie ou la psychiatrie s’unit aux programmateurs ou aux développeurs, cela donne quelque chose de puissant, qui peut agir profondément sur la collectivité comme sur la sphère privée.
Cela passe par des applications interactives populaires, efficaces, qui sont toutes concentrées sur un objectif bien précis : récolter un maximum de données personnelles pour prédire les comportements individuels et les mouvements collectifs.
Un immense « data-marché »
La question est évidemment de savoir où vont toutes ces données personnelles, qui les traite et
comment sont-elles sécurisées. Car à l’addition de toutes ces applications, il y a bien sûr une mine d’or de données personnelles qui permettent, une fois rassemblées, d’anticiper les comportements et donc d’adapter les produits, les incitations diverses. Cela représente un gigantesque marché de données consolidées, triées, croisées, qui sont louées, vendues et revendues.
Dans le domaine des médias, des développements sont également observés. La plupart des plateformes proposent aujourd’hui à leurs utilisateurs de s’inscrire pour pouvoir constituer des « playlist » de contenus appréciés et consommés. Le média a ensuite la capacité de recommander d’autres contenus en fonction des goûts décelés. Ces inscriptions associées à des données personnelles, aident à la fidélisation du public.
Alors cette vaste course aux données, au «Big data», réunit deux thèmes principaux.
Gare au prosélytisme numérique
Il y d’abord la responsabilité des entreprises. Comment et qui sera en mesure de garantir au public que les données qui le concernent ne seront pas utilisées indument à des fins commerciales ou de prosélytisme caractérisé? Notre trace digitale restera-t-elle, si le public le souhaite, une affaire privée ?
Il faut s’intéresser sans tarder à la politique en matière de données. Dans un monde complétement interconnecté, il est certes extrêmement difficile de garantir le vase clos et la totale sécurité. Mais l’intention doit être clairement affichée, et le choix du public respecté.
Curiosité sous condition
Le deuxième point concerne le thème sensible du libre arbitre. L’avènement du big data passe par celui des algorithmes de plus en plus sophistiqués qui analysent les données afin d’anticiper les comportements. En compilant et en croisant les données relatives aux goûts et à la consommation réelle des individus, ils anticipent les comportements individuels ou collectifs et façonnent progressivement un espace social prévisible. Pour maximaliser l’efficacité consumériste d’une recommandation, il convient de prévoir au mieux son accueil, en recommandant seulement ce qui a déjà été apprécié, d’une manière ou d’une autre. Le hasard de la découverte, la curiosité imprévue et le libre arbitre sont donc limités.
Il est ainsi paradoxal d’observer les chemins de plus en plus balisés d’une société numérique théoriquement de plus en plus ouverte !
Alors privilégions les systèmes mixtes où la recommandation serait, d’une part, basée sur les comportements précédents, et d’autre part, totalement aléatoire. Ce qui aurait pour effet très positif de libérer la curiosité.
Ce sont là de grands débats de société à venir. C’est à ce prix que la confiance s’installera. Pour une place du village numérique ouverte, dans laquelle on ne passe pas son temps à épier son voisin ou à fermer ses rideaux.
Gilles Marchand
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