Gilles Marchand

L’humour et la création à l’assaut de la Toile

Voilà quasiment coup sur coup deux grands festivals romands, actif pour le premier dans le domaine de la fiction, pour le second dans celui de l’humour, qui décident d’accorder une large place à la création interactive et mobile.

Le festival Tous Ecrans, qui s’est tenu à Genève il y a quelques jours, propose ni plus ni moins de s’intéresser à la fiction sur tous les écrans, ceux du cinéma, de la télévision et dorénavant du web ou des mobiles. Cette belle curiosité, logique aujourd’hui, n’allait pas de soi il y a moins de 5 ans. Pourtant, la création ne peut bien sûr pas être contenue sur les écrans historiques.

Le Montreux Comedy Festival, qui se tient en ce moment, s’inscrit dans la même démarche. Il parie sur l’ouverture aux nouveaux médias, sur le partage de l’humour, sur sa circulation facile grâce à des petites capsules drôles qui se prêtent particulièrement bien à la consultation mobile et aussi à l’échange et au partage.

Ce n’est pas un hasard si ces deux manifestations culturelles romandes, soutenues d’ailleurs par la Radio Télévision Suisse (RTS), proposent ce regard original sur la création. En matière de multimédia, les expériences audacieuses, innovantes, foisonnent en effet en Suisse romande. Sur ce plan, nous n’avons rien à envier aux autres régions du monde les plus actives dans ce domaine.

A y regarder de plus près, il y a de bonnes raisons pour que l’humour, la fiction et la création en général partent à l’assaut de la toile numérique, et conquièrent de haute lutte leur place dans ce bastion occupé par l’information et le sport.

Catalyseurs de communautés

Il y a d’abord le développement des communautés d’intérêt et de valeurs. Le rire et le cinéma sont des formidables catalyseurs de communautés. Nous avons tous envie de partager ces expériences-là, qui de plus éclairent très bien le contexte socio-culturel dans lequel elles s’expriment. Alors bien sûr, le web et les réseaux sociaux sont des leviers très efficaces pour multiplier et irriguer ces échanges rassembleurs.

Les verrous sautent

Il y ensuite l’accès facilité à la production et à la distribution. Une sorte de droit à la première chance, jusqu’alors réservé aux rares artistes et aux auteurs qui arrivaient à rassembler d’emblée les budgets importants de la fiction ou du spectacle. Avec la toile, ce passage obligé est terminé. Les grandes société de production, les télévisions ou les salles sont contournées pour le plus grand bonheur de la diversité, de la création, des projets parfois les plus décalés. Sur le web, on produit pas –trop- cher, on fait circuler facilement des idées. Certes, toutes ne se concrétisent pas, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Mais tout est possible, les verrous sautent, les frontières géographiques avec. Grâce à une production et surtout une diffusion facilitées, la création se démocratise. On peut tenter, rater, recommencer et trouver le bon angle, la bonne approche, l’idée forte. Dans une vraie liberté d’action.

Une chance pour les créateurs

Enfin, et c’est sans doute décisif, tous ces développements ne sont pas exclusifs. Il y a longtemps qu’il ne faut plus opposer grands et petits écrans. Tout comme personne ne doit choisir entre la salle de spectacle et la séquence interactive sur un smartphone. Ces guerres stériles et dogmatiques sont révolues. Ce n’est pas l’un ou l’autre mais l’un et l’autre. A d’autres moments pour d’autres usages. La révolution culturelle entreprise par les médias, la télévision d’abord, il y une dizaine d’année, puis la radio, suivie par la presse écrite, s’étend maintenant au monde du spectacle. C’est une chance pour les créateurs, il faut l’encourager.

Gilles Marchand

Article paru aussi dnas Le Matin dimanche. Chronique, 5 décembre 2010

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