Gilles Marchand

La boucle est bouclée !

Mardi 5 mars, la RTS lançait un nouveau service de télévision interactive, RTS+. Au-delà de l’annonce du lancement et de la performance technique, cette innovation offre une intéressante perspective conceptuelle : à l’heure de la grande fragmentation numérique, de l’explosion des écrans (8 par famille chez les CSP+ en France !) et de l’interactivité mobile, voilà que l’écran principal de la télévision remet les pendules à l’heure et tout le monde d’accord en intégrant tous les services au même endroit !

Confortablement installé, dans un espace sociologique connu et maîtrisé (le foyer) le public pourra d’un coup de touche (rouge de préférence) sur sa télécommande choisir entre le programme en direct, les émissions à la carte, le télétexte enrichi ou même, bientôt, un catalogue de fictions ou des prévisions météo affinées.

En clair, le grand écart entre la HD et le participatif à la carte. De la descente de ski sur grand écran en passant par le «19h30», les films, les magazines de société, les archives ou l’info en continu. Tout cela quand on le veut et sur le même écran. Programmable à distance depuis un smartphone ou une tablette. C’est simple, efficace et pratique. Les Anglais en raffolent depuis longtemps (le fameux « red button » de la BBC), les Allemands y sont et les Français s’y mettent avec plus ou moins de bonheur. La Suisse n’est pas en retard.

Face à tous les bouleversements qui touchent les médias, chacun a sa part. Les soucis de la presse écrite sont connus. Côté tv, c’est plus ambigu. Avec ses 4 Mia de vidéos (!) jouées chaque jour, pour ne citer que cet exemple, YouTube représente une concurrence énorme pour la tv, canal historique. La baisse du temps passé devant le petit écran classique (moins 10min en 5 ans) en témoigne.

Mais d’un autre côté, on peut aussi voir le verre à moitié plein. Car toutes ces distributions ne sont que de bien tristes tuyaux sans des contenus intéressants pour les animer, pour rassembler les émotions comme les intérêts. Et justement, la tv en fabrique beaucoup, des contenus audiovisuels. Pas tous passionnants, sans doute. Mais les meilleurs, les plus exigeants aussi, qui visent des publics minoritaires, ont là une chance historique de rayonnement, de re-proposition, de circulation. Les idées, les œuvres peuvent voyager, être discutées, commentées, critiquées, recommandées. Voilà un formidable potentiel à saisir. C’est le sens même de la bascule numérique que le service public doit encourager, partout. Et cette fois, on arrive même à rassembler, sur le mythique poste de tv, ce qui avait tendance à s’éparpiller.

Car nous pensions tous, il y a peu encore, que ce n’était pas la télévision qui avait un problème dans ce nouveau monde numérique, mais le téléviseur lui-même. Et bien celui-ci vient de répondre de la plus belle des manières. C’est chez lui dorénavant que cela passe aussi, donc chez nous. La boucle est bouclée !

Gilles Marchand

Article paru aussi dans Le Matin Dimanche, 17 mars 2013

 

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