Gilles Marchand

La SSR peut-elle tout se permettre sur Internet ?

Samedi matin, une ville de Genève encore assoupie par une bise glaciale, des studios déserts, à l’exception notable d’une technicienne aussi sympathique qu’accueillante et une émission intéressante, « Médialogues » qui ausculte tous les samedis les biorythmes médiatiques.

A l’autre bout des lignes, à Lausanne, le journaliste producteur Thierry Fischer et mon interlocutrice du jour, Valérie Boagno, directrice du Temps et Présidente de l’association « Media Suisses » pour la Suisse romande.

Les termes de l’échange sont clairs : « la SSR peut-elle tout se permettre sur Internet ? »

C’est en fait le énième épisode d’un conflit tendu, acide et peu constructif entre la presse écrite et la radiotélévision publique.

D’un côté la presse qui traverse une grave crise de modèle avec des recettes publicitaires en chute (elles pèsent pourtant beaucoup dans le modèle d’affaires des journaux) et des comportements de lecture ballotés entre les imprimés gratuits et les offres numériques.

De l’autre la radiotélévision publique, qui affronte elle aussi des vents concurrentiels tempétueux (multiplication exponentielle des chaînes tv, fenêtres publicitaires ravageuses) et surtout un complet bouleversement de la consommation audiovisuelle : tout, n’importe quand, sur tous les écrans. La tv est toujours largement suivie mais plus seulement sur les écrans classiques. Il faut être sur les mobiles, sur les tablettes, investir la tv interactive… tout en garantissant la super qualité de la tv HD.

Et voilà donc ces deux acteurs historiques, la presse écrite et l’audiovisuel, qui ont jusqu’ici coexisté plutôt paisiblement, en pleine bagarre.

La SSR veut pouvoir investir toutes les distributions pour honorer son mandat public et trouver son public là où il est. La presse écrite considère qu’il y a là une sorte de concurrence déloyale puisque la SSR dispose d’une redevance (des droits… et des devoirs !) et qu’elle ne doit pas occuper un terrain sur lequel les éditeurs voient leur avenir se jouer.

L’affaire se complique encore un peu plus avec l’intégration complète des médias. Difficile aujourd’hui de cloisonner les médias pour les enfermer dans leurs catégories historiques : les textes, l’image, la vidéo et les sons. Force est de constater que tout le monde fait un peu tout.

Et la presse écrite de considérer que les textes ne devraient pas (ou très peu) être proposés par la SSR. Et la SSR de penser qu’elle doit urgemment réinventer le télétexte et accompagner ses vidéos de quelques écrits.

Les deux positions sont compréhensibles. Elles sont assez inconciliables. Après deux ans de discussions stériles, la balle est au centre, c’est-à-dire auprès du pouvoir politique qui va devoir clarifier les choses en précisant la concession de la SSR, avant de s’attaquer à la Loi Radio TV.

Ce qui nous ramène au débat du jour. Chacun dans son rôle bien entendu, et un public qui doit avoir bien du mal à s’y retrouver dans ces arguments si techniques, si spécialisés.

Mais une petite lueur d’espoir aussi au bout de l’échange. Malgré leurs divergences, les medias suisses ont ceci en commun qu’ils essayent tous à leur manière d’irriguer le pays d’idées, d’information, d’analyse, de création.

Il y a là une sorte d’intérêt supérieur, une forme d’alliance objective possible, au moins à l’échelle d’une région linguistique.  Francophone par exemple ?

Gilles Marchand

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La SSR peut-elle tout se permettre sur Internet ? Emission Médialogues du 23 février 2013

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