Gilles Marchand

Qui a le pouvoir ?

Je pense que le pouvoir est aujourd’hui détenu par ceux qui contrôlent l’information, ou plutôt les sources et les réseaux d’information.
Je ne parle pas là particulièrement des infos diffusées par les médias et plus ou moins accessibles à tous. Je pense à ce qui existe en amont et qui, précisément n’est pas rendu automatiquement public.
« Savoir avant les autres », voilà le bras armé du pouvoir aujourd’hui. Il conditionne le succès économique, technologique, scientifique.
Mais il ne suffit pas d’avoir accès à l’information brute, même si elle est vérifiée. Encore faut-il la traiter, l’organiser, la mettre en perspective par rapport à la somme de toutes les autres informations.

Tout ce travail demande un immense savoir faire, de l’expérience, une formation complète. Bref, je pense que le pouvoir qui se définit par la maîtrise du savoir, de l’information, risque plus que jamais d’être « capturé », confisqué, par une petite élite qui contrôlera les réseaux d’information, qui sera en situation d’anticipation permanente.
A terme, cette élite pourra non seulement « savoir avant tout le monde » ce qui se passera dans le monde, à tous les niveaux, mais aussi savoir ce que les sociétés en penseront. Et prévoir les réactions collectives c’est bien évidemment la meilleure façon de les contrôler.
Il y a là un risque d’accroissement des inégalités, A l’intérieur de nos sociétés, mais aussi entre les sociétés. La panne actuelle du dialogue nord-sud ou nord-est en est une illustration.

Et il y a une grande différence avec les précédents pouvoirs, économiques ou politiques.
Nos sociétés occidentales se sont construites sur le postulat que tout le monde pouvait avoir un jour le pouvoir, la richesse. La société américaine en est un exemple caricatural. Car après tout, il était toujours possible d’imaginer lever une armée sous l’étendard d’une conviction ou bâtir une fortune avec un sens aiguisé des affaires.

Mais le « pouvoir par le savoir » fonctionne autrement. Il est hautement improbable de l’obtenir avec un peu de chance ou beaucoup de conviction. Cela demande une formation longue, beaucoup de conditions sont requises.
Dès lors, cette absence de perspectives entraîne des frustrations sociales puissantes qui donnent naissance à des contre-pouvoirs. Qu’il s’agisse des opinions publiques, qui pèsent, encore un peu, sur les décisions politiques, ou des actes de désespoirs dont l’actualité de l’automne nous a hélas donné maints exemples.

Le seul antidote à ce cercle vicieux me semble être bien sûr la formation. Elle doit permettre au plus grand nombre de maîtriser les outils actuels de communication, les réseaux, afin de nous permettre des laisser à leur place et de ne pas se faire aveugler pas le contenant ou détriment du contenu. Mais pour qu’elle soit utile, cette formation ne doit pas se limiter aux sociétés occidentales. Il y a ainsi urgence absolue à connecter les pays en voie de développement et à leur donner accès aux mêmes informations que celles dont nous disposons ici.

Gilles Marchand

Article paru aussi dans le magazine Bilan, 2007

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