Gilles Marchand

Média et démocratie, un couple indissociable et chahuté !

Keynote donné le 6 octobre 2022,  dans le cadre de la semaine thématique «construire la démocratie», organisée par le centre en philanthropie de l’Université de Genève, SwissFoundations, Geneva Graduate Institute et le Albert Hirschman Centre on Democracy

Nous abordons de fait deux thématiques liées et évidemment très importantes: l’état de la société démocratique et la santé des médias… qui contribuent précisément à la bonne santé de cette démocratie!

Le financement des médias est une question de plus en plus compliquée pour les médias privés, et qui est de plus en plus débattue pour les médias publics. Le financement des médias garantit leur stabilité. Celle-ci est la condition préalable à leur qualité professionnelle.

Je sais, cette notion de qualité est quasiment indéfinissable. Les critères de qualité sont aussi nombreux que ceux qui s’en réclament… Mais une chose au moins est certaine: sans financement relativement stable, le résultat médiatique est indiscutablement médiocre. Faute de moyens, de temps, de journalistes, de formations, de vérifications, c’est la dérive garantie à plus ou moins court terme. L’écume et le bruit médiatique s’installent.

Mais le financement stable des médias ne concerne pas que l’information. Nous commettons souvent l’erreur, en Suisse, de résumer le débat médiatique à la production journalistique, à l’information. Le financement stable permet aussi la production originale, la production ancrée dans le bassin de population auquel elle est destinée. Je parle ici de films documentaires, de fictions, de captations artistiques, sportives, ou de productions musicales. Cet immense champ médiatique est un immense pourvoyeur d’identités partagées, de destins communs. Il est particulièrement important dans les pays multiculturels et plurilingues comme la Suisse.

Alors deux grandes sources irriguent le financement des médias.

  • La première provient des recettes commerciales, issues de la vente des contenus, sous toutes les formes imaginables ou des recettes de publicité, sous toutes les formes imaginables elles-aussi. Et il faut reconnaitre aux médias privés une créativité extraordinaire dans ce domaine. A tel point que l’on ne parvient plus toujours à identifier l’origine précise de la recette commerciale.
    Mais c’est là un autre sujet qui nous embarquerait trop au large de notre thème…
  • La deuxième grande source de financement est publique. Elle prend la forme d’une redevance ou d’un financement direct qui émane du budget de l’Etat. Ce financement public permet donc au service public d’exister. La redevance, on le sait bien en Suisse, n’est pas très populaire. Car elle est contrainte, sans être liée à un usage précis des programmes. La redevance; c’est une construction assez complexe qui finance un système solidaire entre genres de programmes, entre régions linguistiques. Un peu comme les routes que l’on n’utilise pas tout le temps, comme les écoles que l’on finance même lorsque les enfants ont grandi, ou encore comme les hôpitaux que l’on ne fréquente heureusement pas tous les jours.
    La redevance universelle est exigeante et, dans un système de démocratie directe ou il est possible de la remettre régulièrement en question, elle demande une vraie maturité citoyenne. Une maturité dont la population suisse a fait preuve en 2018, en rejetant à plus de 70% une initiative populaire qui visait à supprimer cette redevance. Le financement direct par le budget de l’Etat est certes plus simple. Mais il pose la question de l’indépendance face à de possibles pressions politiques. Certes, la redevance n’est pas une protection absolue, mais le financement direct accroît considérablement le risque. Le budget de l’Etat est voté chaque année au parlement. Inutile ici de souligner ici la tentation pour les partis politiques de faire dépendre l’acceptation d’un budget de la couverture journalistique.
    Et sans oublier encore avec ce modèle le risque d’anticipation, d’autocensure, consciente ou non, des rédactions.

Ce qui rend la question particulièrement intéressante, et de grande actualité, c’est que les deux sources de financement, commerciale et publique, sont aujourd’hui toutes les deux sous tension.

C’est pourquoi de nouvelles voies prennent de plus en plus part au débat. Notamment la philanthropie, le mécénat.

***

Avant d’explorer ces nouvelles sources, un bref tableau sociologique s’impose. Car les médias ne sont finalement que l’expression de la société dans laquelle ils s’inscrivent. Entre deux crises, sanitaires, climatiques, énergétiques, sociales, nos sociétés se développent autours de quelques grands mouvements. Nos sociétés se globalisent, se numérisent, se complexifient et se fragilisent en même temps.

La globalisation n’est hélas pas tout à fait celle dont on rêvait au siècle des Lumières. Car à côté de la connaissance, elle apporte aussi sa cohorte de problèmes sociaux, politiques, culturels et climatiques.

La numérisation est inéluctable, on le sait. Elle permet bien sûr de vrais progrès dans de nombreux domaines. Mais elle apporte aussi d’innombrables défis qui concernent notamment la protection de la sphère privée, l’exclusion sociale, le contrôle. Ainsi que la fragmentation mentale des individus dépendants de leur écrans mobiles.

La complexité, c’est l’interdépendance des actions. Tout agit aujourd’hui sur tout. A tel point qu’il devient difficile d’observer et comprendre l’ensemble. Du coup, les grandes questions socio-politiques ne s’abordent aujourd’hui plus qu’à l’aune de ressentis personnels ou de facteurs sectoriels. L’analyse systémique devient décourageante, trop compliquée, presque inaccessible. Pourtant, on le sait, l’addition de particularismes ne suffit pas à donner un sens commun. C’est notamment le cœur des enjeux de la construction européenne.

La fragilité est une conséquence des trois premiers trends. Elle nous vient du court-termisme généralisé. Elle est aussi issue des grandes équations socio-démographiques qui posent déjà et poseront toujours d’avantages de problèmes économiques majeurs. Le financement des retraites ou de la santé illustrent parfaitement le phénomène. A ces incertitudes, il faut encore ajouter différentes évolutions socio-culturelles, comme le développement du temps partiel, les nouvelles balances entre vie professionnelle et vie privée, qui changent la valeur «travail», le socle fondateur de la société industrielle.

On le constate globalisation, numérisation, complexité et fragilité sont totalement interconnectées.

 

 

Ces grands trends sociétaux s’appliquent presque «1/1» aux médias.

La globalisation nous ramène, par exemple, aux plateformes de streaming internationales et leur world culture, aux géants du divertissement technologique, ou encore aux nouveaux players comme les opérateurs téléphoniques (Sunrise et Swisscom en Suisse), qui dans le domaine du sport, font exploser le marché des droits.

La numérisation est omniprésente dans le monde médiatique. Elle nous apporte la fin progressive de la consommation linéaire des programmes au profit de consultations individuelles, personnalisées, mobiles. La numérisation apporte aussi la fin progressive du papier, de la relation physique à l’objet médiatique. Et finalement, cette numérisation enflamme la guerre entre médias imprimés et audiovisuels, qui se retrouvent tous sur le même terrain, en ligne, après des décennies de coexistence plutôt pacifique, chacun cultivant alors avec bonheur son petit jardin bien clôturé.

La complexité, pour les médias, semble être la nouvelle règle. Il faut dire qu’en plus des nouvelles concurrences, les changements d’usages, les défis politiques et commerciaux, nous devons encore affronter l’interdépendance totale entre la conception éditoriale, la fabrication technique, et la distribution multi-vecteurs. Dans la chaîne de valeur médiatique, il n’est plus possible de distinguer conception, fabrication et distribution.

Enfin, la fragilité, qui concerne tous les médias. Les modèles d’affaires des médias sont très précaires. La publicité commerciale émigre sur des plateformes digitales internationales qui ne réinvestissent pas, ou très marginalement, dans les marchés locaux. La culture de la gratuité se développe rapidement dans les territoires numériques, après avoir été lancée par les journaux gratuits eux-mêmes, il faut le rappeler.

Quant au financement public, il est questionné d’une manière ou d’une autre dans toute l’Europe. Et cette précarité est accentuée par le fait que les médias historiques sont aisément contournables et contournés. Par les réseaux sociaux ou par les marques qui deviennent à leur tour des sortes de médias. Nous sommes ainsi engagés dans une spirale assez dangereuse. L’éparpillement des publics, fragmentés par la numérisation, provoque l’éparpillement des audiences, qui provoque elle-même l’éparpillement de la publicité. En Suisse, la publicité a pourtant joué un rôle majeur dans le développement d’une offre médiatique diversifiée et multilingue. Et il faut lui reconnaître ce grand mérite. Car en Suisse, la masse critique, c’est-à-dire le nombre de lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs, est insuffisante pour assurer le financement de la production des contenus.

En plus, dans la nouvelle société numérique, on préfère payer l’accès, la connexion, que le contenu lui-même. Le régime dissocié entre distribution et contenu est un vrai changement de paradigme. Cela provoque deux réactions dans les groupes médias :

La première est la recherche active de diversification des activités. C’est ainsi que de nombreux groupes de presse ont investi avec succès dans des plateformes de services en ligne et de ventes diverses. Mais se pose bien sûr la question du réinvestissement des profits générés dans la production journalistique ou programmatique. Et là force est de constater que ce réinvestissement n’est pas automatique…

La deuxième réaction est la recherche frénétique de l’attention. Aujourd’hui, une nouvelle économie médiatique de l’attention est en train de se développer. Il faut faire du bruit, susciter l’intérêt, retenir quelques secondes l’attention. Au prix parfois de la pertinence de l’information. Et au risque de favoriser toujours plus le trash et le clash. Ce qui entraîne alors une baisse de la crédibilité et partant de la légitimité médiatique. Le piège est parfait !

Cette pièce se joue dans un théâtre au décor soigné. C’est celui de l’incroyable révolution technologique que vivent les médias. La numérisation et la globalisation apportent l’immatérialité. Les produits comme les outils sont de moins en moins tangibles. Cette numérisation apporte aussi la quête et la récolte des données. Car il faut aujourd’hui s’inscrire, se loguer, pour accéder, pour commenter, pour se faire recommander tel ou tel contenu. Pour faciliter aussi nos usages dans un monde totalement saturé d’offres médiatiques de toute sorte.

En s’inscrivant, en se loguant, on dépose ses données, plus ou moins détaillées, qui deviennent un bien d’autant plus précieux que les recettes publicitaires classiques s’évaporent. Car les données permettent le marketing direct. Ces malheureuses données sont donc vendues, revendues, échangées, croisées, consolidées. Cela pose des questions éthiques et juridiques très pointues. Et les régulations sont en plus différentes selon les pays, alors que les données, elles, enjambent joyeusement les frontières.

Et finalement, on le sait bien, la frontière entre recommandation et manipulation commerciale ou politique est trouble. Ce qui nous ramène complètement dans notre troïka «média-financement-démocratie» !

Le passage de l’info à l’écho, le risque de perte de valeur réelle ou supposée provoque une dégradation de la confiance des citoyens envers les médias. Dans ce mouvement, la contribution des médias à la démocratie est questionnée. Et cela finit par affaiblir l’envie d’achat des contenus, tout comme l’acceptation des redevances. Ces grands mouvements ont aussi des conséquences sur la société démocratique, sur les modalités du vivre ensemble.

La globalisation provoque un sentiment désagréable d’impuissance car la souveraineté de décision, sur le plan personnel comme collectif, s’inscrit de plus en plus dans une sorte de codécision à l’échelon de structures globales, intangibles, apparemment inaccessibles.

La numérisation et l’avènement de la société à la carte présentent, sous des dehors avenants, le risque de générer l’ignorance, par un excès de pointillisme mental et de fragmentation sociale.

La complexité apporte la perplexité, l’incapacité de décider et la frustration qui en résulte.

Quant à la fragilité, elle nous amène à l’immobilisme. «Un tien vaut mieux que deux tu l’auras», comme le disaient nos arrière-grand-mères.

Résultat des courses en ce qui nous concerne : Une atomisation de la société médiatique, avec risque d’effacement des repères et de l’intérêt général.

En même temps, du côté des publics, on observe une incompréhension grandissante du monde, une angoisse face à l’avenir, la recherche de réponses simplistes, et finalement une intolérance marquée à l’incertitude, aux doutes, aux options. Il suffit de parcourir les commentaires et autres post sur les réseaux sociaux pour prendre la mesure du phénomène…

Trois poussées fiévreuses font ainsi grimper nos thermomètres :

  1. D’abord la montée de «l’égocratie», concept que j’empreinte au politologue François Chérix, en parfait contrepoint dangereux à la démocratie. Ici, mon opinion, mon émotion, mon ressenti, sont la vérité. Et les institutions sont à mon service personnel, sinon elles n’ont pas raison d’être…
  2. Ensuite la montée de nouveaux communautarismes. Ils peuvent être virtuels, comme les followers ou les membres de mon réseau, qui deviennent autant de cousins, frères ou sœurs. Ils peuvent être aussi religieux ou nationalistes.
  3. Enfin la montée du populisme, avec l’opposition classique entre un peuple présenté comme homogène, innocent et victime d’élites oppressives jamais vraiment définies, mais qu’il faut abattre.

Le constat ainsi posé n’est pas très réjouissant, il faut bien le dire ! D’autant plus si l’on considère que l’intérêt général, partagé, est le but de toute société démocratique. Là, on ne peut pas dire que nous faisons de grands progrès dans cette direction.

La succession des crises évoquées plus haut, les tensions guerrières, le glissement de la démocratie progressiste vers la démocratie contestataire, font émerger des régimes de plus en plus autoritaires.

Alors y-a-t-il une parade ?

… Ou du moins des pistes à explorer pour renverser la tendance, et quel est le rôle des médias dans cette perspective ?

Je plaide pour que nous considérions l’information comme un bien commun, comme un «commun» dont la société doit assurer la pérennité.

L’individualisme, la montée des revendications sectorielles, la multiplication de minorités intransigeantes, qui voit chaque groupe défendre ses intérêts particuliers, émiettent le corps social. Le défi principal, c’est de maintenir un lien social et raisonnable entre les individus qui composent ce corps social. Dans une société atomisée, le danger est l’affaiblissement, voire la disparition de l’intérêt général.  Surtout si chacun tend à conditionner son respect des institutions à la satisfaction de ses attentes personnelles.

Or l’intérêt général ne se résume pas à la somme des intérêts particuliers. Il est au contraire le dépassement des particularismes par une vision d’ensemble et la recherche du bien commun. Le risque est que le dénominateur rassemblant les individus dans nos sociétés globalisées et numériques, ne soit plus que leur volonté de protester. La société ne peut toutefois pas fonctionner sans consensus formant un projet commun. Elle a besoin de compromis, de visions partagées, de solidarités, pour transcender les contradictions et produire du sens, tout comme de la bonne gestion.

Notre démocratie est basée sur le libre arbitre des citoyens, qui exercent leurs droits dans un cadre commun et accepté. Or celui-ci ne peut pas se développer sans la connaissance puis l’examen des faits et des idées, qui agitent et forment la société. Autrement dit, il n’y a pas de démocratie sans information et sans espace public pour la traiter. Ces deux éléments constituent l’air qu’elle respire.

Mais il ne suffit plus d’une argumentation pertinente transmise par des vecteurs classiques pour structurer les débats. Il ne suffit plus que les institutions s’expriment pour qu’elles soient entendues. Au contraire, jamais la défiance à l’égard de toute parole un peu autorisée n’a été aussi forte. Jamais les manipulations de masse n’ont été aussi faciles et puissantes. C’est exactement la raison pour laquelle, dans le bouillonnement des flux numériques, l’information est en train de devenir un bien fondamental du 21ème siècle. Il serait d’ailleurs très utile que les sciences humaines s’emparent de ce thème et travaillent à modéliser la définition possible de l’information comme «bien commun».

On l’a vu avec l’analyse de la situation financière des médias, cette nouvelle équation démocratique où l’information devient un bien vital comporte une inconnue: la capacité économique pour les médias de la fournir. Se pose la question, âprement débattue, du financement de cette fonction vitale. Certes la collectivité publique, l’Etat, s’est en principe toujours préoccupé d’assurer les conditions-cadre globales permettant un bon fonctionnement des institutions. Mais dans la crise structurelle actuelle décrite plus haut, on peut observer que la démocratie n’est pas une réalité immanente et le libre arbitre des citoyen.ne.s peut s’évaporer dans les nouveaux comportements sociétaux.

Le soutien clair des médias, accompagné d’un mécanisme de droits mais aussi de devoirs, est dès lors important. Notamment pour être en mesure de fabriquer des contenus, ancrés dans les marchés locaux mais capables de résister à la révolution numérique et à ses champions mondiaux. Puis de les rendre accessibles à toutes et tous.

L’ensemble des phénomènes sociaux-culturels évoqués plus haut touche la Suisse avec une intensité particulière. 

La démocratie directe, le régime de concordance, les géométries variables et subtiles entre pouvoirs et contre-pouvoirs, le morcellement territorial et le multiculturalisme exigent une agora politique forte, raisonnable, alimentée par une information de qualité.

La Suisse, nation de la volonté, doit pouvoir se rassembler et produire du consensus. Si, à ses fragmentations naturelles, la Suisse ajoute celles de l’atomisation numérique, sans lui donner de réponses fortes, elle risque la paralysie par excès de division. Elle évoluerait alors vers une démocratie directe autobloquante. La problématique des médias est donc aujourd’hui centrale.

Le secteur est hélas déchiré par de nombreuses batailles, consécutives aux tensions économiques évoquées plus haut. Ces batailles ne sont toutefois pas à la hauteur des défis à venir. Tensions entre groupes d’intérêts, entre acteurs privés et publics, entre régions linguistiques, entre visions du monde libéral ou régulé, ces rivalités ne permettent pas de répondre aux enjeux. Une information de qualité, bien fondamental du 21ème siècle est la responsabilité de la collectivité, sous quelque forme que cela soit. Nous devons trouver ensemble des solutions de coexistence médiatiques dans l’intérêt évident de la population suisse.

Ces coexistences doivent être compatibles avec les deux raisons d’être :

  • Côté service public, l’exigence absolue de pouvoir continuer à s’adresser à tous les publics, là où ils se trouvent, avec toutes les thématiques qui les intéressent.
  • Côté médias privés, la nécessité tout aussi légitime de générer des profits commerciaux pour les réinvestir tout ou partie dans la chaîne de valeur médiatique.

Cette coexistence est d’autant plus difficile à établir que le territoire est étroit et surtout subdiviser en plusieurs petits marchés que l’on ne peut pas réunir en un seul. Et c’est précisément la raison pour laquelle je considère que la logique de subsidiarité, qui contraindrait le service public à ne proposer que ce que les médias privés ne veulent ou ne peuvent pas faire, est impraticable en Suisse. Car elle conduirait à proposer des services publics différents selon les régions :

  • Un service public réduit en Suisse alémanique où il y a quelques petites alternatives commerciales.
  • Un service public complet en Suisse romande, au Tessin et dans les Grisons, où le marché est trop faible pour se substituer.

Or, la raison d’être même du service public, c’est l’équivalence de prestation entre les régions et pour les citoyens de ce pays. Croyez-vous qu’il serait réaliste d’offrir un téléjournal quotidien de qualité pour nos 300’000 tessinois ou de maintenir en vie notre 4ème langue romanche avec la RTR, sans la solidarité financière alémanique ? … Non.

C’est pourquoi nous devons trouver d’autres voies de coexistence au sein de la place médiatique suisse. D’autant plus que certains domaines de programmes n’offrent aucune possibilité de refinancement réel dans le petit marché suisse. A commencer par l’offre culturelle. Nous avons pourtant grand besoin d’une production culturelle nationale. Car celle-ci nous définit et nous rassemble au-delà de nos diversités. Production culturelle mais aussi diffusion culturelle. L’accès à cette production-là, au sens large, ne doit pas être restreint ou conditionné à des mécanismes de paiement excluants certains publics.  Et pour garantir cet accès universel, la collectivité publique doit s’engager.

Alors, au-delà des tensions entre financements publics et recettes commerciales, il y a sans doute de nouvelles voies à explorer. La philanthropie en est une, certainement. Avec de multiples déclinaisons. Et je trouve particulièrement intéressant de noter que cette troisième voie puisse agir au niveau local comme international. Il est de fait important de mieux comprendre quels sont les critères utilisés pour considérer telle ou telle prestation médiatique éligible à un soutien de cette nature. Et bien sûr de s’entendre sur la question de la finalité directe ou indirecte de ce soutien.

Permettez-moi de souhaiter, pour conclure, que cette finalité soit partagée, au-delà des batailles médiatiques. Car demain matin, le destin des démocraties dépendra de leur capacité à produire et faire circuler une information de qualité permettant des débats, denses, sûrement controversés, mais aussi éclairés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *