Gilles Marchand

Un nouveau «pacte de l’audiovisuel» pour plus de fiction suisse, sur tous les écrans!

Signature du Pacte 2020–23 à Soleure le 24 janvier 2020

 

La SSR a décidé d’augmenter ses investissements dans le domaine du film. Cet effort portera la contribution annuelle totale de la SSR à plus de CHF 50 M par année, toute catégorie confondue. Parmi ces développements, CHF 5 M supplémentaires seront inscrits dans le nouveau pacte audiovisuel, qui engage la SSR et la branche du film suisse, la production indépendante. Cela portera l’engagement SSR dans le Pacte à CHF 32,5 M par an.

Il s’agit, pour la SSR, d’une vraie décision stratégique qui obéit à trois logiques. Une logique socioculturelle, une logique médiatique et une logique professionnelle ou industrielle.

Ce développement est d’autant plus ambitieux qu’il se réalise dans un contexte économique très difficile pour la SSR, marqué d’une part par la baisse et le plafonnement de la redevance, et d’autre par une chute brutale des investissements publicitaires.

Ce contexte est difficile et paradoxal. Parce qu’en même temps, notre cahier des charges n’a pas varié, au contraire nous avons de nouvelles exigences à satisfaire, fixées par la concession.

Nous avons tous été très heureux, le 4 mars 2018, par le rejet massif de l’initiative «no Billag». Un succès apprécié dans toute l’Europe audiovisuelle. Mais ce succès qui ne doit pas voiler la réalité, rien n’est simple, rien n’est définitivement gagné ou acquis.  Alors dans une situation budgétaire qui nous impose des coupes et des restructurations, le développement de nos investissements dans la fiction est très significatif.

Pourquoi ce développement, qui impose donc des sacrifices dans d’autres secteurs?

D’abord pour une conviction d’ordre socioculturelle.  Un pays doit aussi se raconter, s’imaginer, se dévoiler à travers sa fiction, ses histoires, son imaginaire. La SSR offre, globalement, une bonne couverture journalistique des réalités politiques, économiques et culturelles de notre pays, dans les quatre langues nationales. Nous avons aussi une solide tradition documentaire, aussi bien journalistique qu’à travers les regards d’auteurs. Nous devons développer aussi notre production de fiction pour raconter le pays. Les talents sont là, mais le volume de production reste modeste, en raison notamment de notre diversité linguistique. Raconter un pays grâce à l’imagination qu’apporte la fiction est important pour cultiver un sentiment d’appartenance, une idée de soi-même au sein d’un ensemble politique, sociologique et culturel.

Et c’est tout aussi important pour faire rayonner la Suisse et ses régions, au plan international. Si nos fictions voyagent dans d’autres pays, elles racontent la Suisse à travers ses personnages, incarnés par des actrices et des acteurs suisses, mais aussi à travers ses paysages, urbains, campagnards ou montagnards. Or, on le sait, si les productions ne sont pas majoritairement suisses, les tournages ne se font pas non plus en Suisse. Quant à la distribution, au casting, il n’est suisse que de manière marginale.

C’est pourquoi nous avons décidé d’augmenter nos investissements dans le domaine de la fiction. C’est la première dimension, elle est d’ordre socioculturelle.

Il y a une deuxième raison, elle est bien sûr médiatique et concerne notamment les formats. Nous voulons développer les séries et, à terme, quasiment doubler le nombre de séries proposées sur nos trois chaînes nationales. Grâce notamment à un doublage systématique dans trois langues nationales. Ce développement ne réduit en rien nos engagements dans les autres genres, du film de cinéma au documentaire, sous toutes ses formes, ou à l’animation.  Nous prévoyons ainsi toujours chaque année dans le pacte CHF 9 M pour le cinéma, dont 1 pour l’animation. Et d’ailleurs, en collaboration avec SRF, RTS, RSI et même RTR, il devrait être possible d’imaginer de nouvelles avancées, par exemple dans le registre de la série documentaire qui est aussi passionnante et qui offre de grandes libertés narratives.

Mais pourquoi plus de séries fictionnelles? Il y a là trois aspects importants: D’abord cela nous permet de fixer des rendez-vous réguliers à notre public de télévision linéaire. Avec une programmation coordonnée et un doublage systématique en français, allemand (voir suisse allemand) et italien, nous arriverons à une case quasiment hebdomadaire dans les grilles normales. C’est une formidable avancée pour le public, qui découvrira au passage d’autres narrations, d’autres histoires et d’autres personnages.

Ensuite, le format sériel permet évidemment un usage parfait sur les plateformes VOD. Et nous allons lancer cet automne une nouvelle plateforme nationale qui proposera des programmes de la SSR non plus par langue mais par genre, avec des sous-titrages à la carte dans les langues nationales et une relation personnalisée avec le public.

Enfin, il y a bien longtemps que les séries permettent aux auteurs, réalisateurs, comédiens et techniciens les plus talentueux de laisser libre court à leurs idées. Cela devient aussi le cas en Suisse. En augmentant le volume de production, on densifie aussi le savoir-faire des différents métiers de la production. Nos séries gagnent en maîtrise en commençant à voyager à l’international. Toute proportion gardée, il est possible de réaliser en Suisse ce qu’ont réussi les scandinaves depuis déjà longtemps, les québécois et plus récemment les belges.

Cela signifie aussi que cet effort ne doit pas se traduire par une augmentation du coût minute de nos fictions mais plutôt par une augmentation du nombre de minutes produites. Nous ne fixons pas de quotas stricts ou de règles. Mais c’est plutôt un appel au bon sens. Pour que le développement stratégique que tente la SSR dans ce contexte si difficile, ait du sens, il faut vraiment que nous arrivions tous ensemble à augmenter le volume de production, en français, en allemand et en italien. Sans oublier les romanches qui tenteront des expériences de séries sur le web.

Il y a une dernière dimension, importante elle aussi: C’est celle du patrimoine. Les séries, tous comme nos coproductions de films et documentaires, doivent être conservées et reproposées. Elles appartiennent à notre patrimoine commun.  Depuis une quinzaine d’année, nos chaînes ont fait des efforts très importants pour sauver, documenter, digitaliser et conserver leur production audiovisuelle.  Nous avons créé des fondations et investissons, chaque année, beaucoup d’argent pour sauver ce patrimoine précieux.

Il n’y a pas d’INA en Suisse. Pour l’essentiel, cet effort a été assumé par la SSR elle-même. Et il faut s’en féliciter. Car un pays qui ne sait pas conserver sa mémoire audiovisuelle a un grand problème à penser son avenir. Nous allons donc exposer ce matériel, de 1000 manières. Les idées foisonnent partout, dans toutes les régions. Et nous mettrons toutes les technologies mobilisables service de cette création.

Dans cette société numérique qui passe plus de temps à repackager à l’infini qu’à créer, qui ne définit son univers plus qu’en fonction des droits et des données associées… le service public à une formidable carte à jouer. La carte de la création originale, la carte de la pertinence.

Nous nous y attelons. Avec la branche. Pour cela il faut deux choses: De la confiance d’abord. Je crois qu’elle est solide entre nous. Indépendamment des petites querelles conjoncturelles et de quelques désaccords bien normaux, nous travaillons en confiance. Il faut ensuite un instrument. Nous l’avons aussi, c’est le pacte de l’audiovisuel. Nous y sommes attachés, nous le défendons. Et je suis vraiment très heureux d‘avoir signé, avec la branche, le nouveau pacte de l’audiovisuel à Soleure!

 

Gilles Marchand
Directeur général SRG SSR

 

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